Lettre au président de la république

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A l’attention du président de la République, 

 

Monsieur le président, 

 

C’est bien la première fois de ma vie que j’écris à un président (sauf associatif), je crois…

Mais, je me dis que je le dois. 

Je suis journaliste, n’ayez crainte, je n’ai jamais demandé d’accréditation à l’elysée, pour moi la vraie vie est ailleurs que dans les grands palais. J’ai rarement interviewé des gens connus, je leur préfère les quidams ancrés dans la réalité de terrain Bref, je ne suis qu’une poussière au sein de  » votre » peuple que vous entendez bien guider sur la voie du libéralisme et du capitalisme. 

Je ne suis qu’une poussière, mais puisque nous sommes encore (?) en démocratie, j’ai le droit à l’expression (Article 11 de notre constitution). 

J’ai donc le droit d’exposer publiquement ma colère et mes craintes. 

Monsieur le président, vous n’aimez pas ne pas contrôler ni votre image, ni votre assemblée, ni vos lois. Vous avez donc décidé de mettre la main sur mon métier: le journalisme. 

Vous avez d’abord choisi les accréditations pour vos conférences et réunions publiques, puis porté plainte contre des confrères photographes. Je vous l’accorde leur métier n’est pas le plus reluisant de notre corporation, je n’ai guère de sympathie pour les paparazzis. Cependant, ils répondent à une demande du peuple qui se rue vers les magazines tels que Elle, Closer ou Voici. Magazines que vous affectionniez particulièrement pendant la campagne. Le peuple aime savoir où vous êtes, en même temps, il est important de savoir ce que le chef de l’etat fait de nos deniers. Vos vacances sont des congés payés. Vous êtes fonctionnaire. Nous vous payons l’eau, les repas, vos gardes du corps, votre habitation, vos transports, votre salaire…

Certaines mauvaises langues parleraient de vous comme d’un assisté. 

Vous avez une tâche compliquée à accomplir : relever la France. 

J’essaie d’y contribuer. Après un licenciement économique, j’ai créé un média. Nous sommes désormais deux salariés, cinq associés, et nous faisons travailler pas mal de prestataires, intermittents, avocat, comptable, pas tous tout le temps très bien payés, mais nous avons l’impression de servir à quelque chose :

Nous créons du lien social en mettant sur pied un média indépendant, citoyen et participatif. Cela signifie que nous sommes un de ces lieux dans lequel il fait bon réfléchir aux alternatives. À un monde meilleur. J’imagine pour vous de simples utopistes. Nous avons créé un laboratoire, nous avons réalisé des documentaires. J’aimerais vous parler longuement de mes têtes à têtes avec des SDF, des détenus, des enfants malades auxquels j’ai distribué des ateliers d’éducation aux médias. 

J’ai rencontré une partie de mes concitoyens que je n’aurais jamais croisés, sans mon métier. 

J’aime écrire, raconter la vie d’un handicapé moteur, d’un SDF, donner la parole à un taulard, dénoncer la politique catastrophique que vous mettez en place concernant la réouverture des mines qui va engendrer des dégats écologiques irréversibles. Dénoncer, cela fait partie de mon métier. Analyser aussi. 

Et ce matin, vous m’avez encore mise en colère. Des associations se plaignent de la disparition des CAE-CUI. Comme ça d’un coup, alors qu’elles avaient promis une embauche à des jeunes. L’exemple de l’association clermontoise Lieu’topie est flagrante. Tout était prêt, le dossier, les fiches de poste, les contrats. Mais en ce mois d’août, Pôle Emploi leur a signifié qu’il était trop tard. Le conseiller l’a confirmé: le réseau informatique a été bloqué afin qu’il ne puisse plus saisir de dossiers. Il parlait de fait historique, lui le vieux de la vieille de l’ANPE. Pour la première fois, on supprimait un type de contrat sans aucine perspective de remplacement. Les 2 jeunes qui auraient dû être embauchés vont se retrouver sur la paille. L’association qui a de grands projets puisque depuis juillet, elle a investi des lieux plus grands pour de plus grandes ambitions, ne pourra pas assurer sans ces salariés. 

Alors, on peut effectivement polémiquer : un CAE-CUI, c’est un emploi aidé. Mieux vaut un emploi pérenne, on est tous d’accord. mais de deux choses l’une: nous sommes dans une vie pleine d’évolution: passer 2 ans à se former grâce à ce genre de contrats pour acquérir de l’expérience c’est enrichissant et suffisant pour servir de tremplin. Et puis, ces contrats aidées sont utiles pour une catégorie de personnes éloignées de l’emploi. ces gens-là, sans l’aide de l’État, ne toruveront pas le chemin vers une activité salariée. Parce que les entreprises ne prendront pas le risque. 

Nous sommes dans le pays des Droits de l’Homme. Cela aurait pu être une fierté à une époque… Mais bon, je suis citoyenne du monde avant d’être chauvine. 

En tous cas, ne pas laisser sa chance à ceux qui se sont perdus, n’ont pas eu la chance d’avoir votre éducation et vos opportunités me semblent un devoir d’État. Que proposez-vous en contrepartie de ces contrats aidés qui vont mettre au chômage plus de 300 mille personnes, qui vont manquer aux collectivités locales, aux écoles, aux associations ?

Monsieur le président, je me doute que cette lettre ne vous atteindra jamais, que vous ne la lirez jamais. Que même si par le plus pur des hasards, vous la lisez un jour, vous rirez. 

Vous êtes persuadé que le capitalisme et la privatisation sont les seules solutions, quand je défends l’idée que l’État ne peut collecter nos impôts sans nous fournir gratuitement la santé, l’éducation, la culture, et tellement d’autres choses qui vous sembleraient utopiques. Je crois que l’essence de l’humain n’est pas d’être rentable, mais plutôt d’être heureux. 

Je suis maman de deux petites filles que j’amène à la médiathèque, qui vont à l’école publique de notre village, qui font vivre l’école municipale de musique et de danse. J’ai créé une SCOP, j’essaie de manger local, j’ai un potager, je fais gaffe à mes déchets, j’écris, je filme tous ceux que l’on n’entend pas, ceux que l’on oublie. Je suis arrière petite fille de résistants, et ai été élevée par un prisonnier de guerre, un maître d’école qui cachait les enfants juifs. Il s’en est réchappé pour une seule raison, m’a-t-il dit un jour : pour un jour me croiser et me raconter son histoire. Il m’a ainsi prouvé qu’il fallait aider ceux qui injustement se faisaient massacrer par une idéologie ou un système. Je suis donc antifasciste, évidemment. La politique européenne envers les migrants me donne envie de vomir. Le mauvais partage des richesses, la fraude fiscale, le gâchis, le chômage, la violence, le patriarcat, et toute forme de domination me rend dingue. 

La vôtre me fait peur… 

Mais, 

Monsieur le président, nous nous battrons infiniment pour garder nos droits, nos emplois et notre dignité. 

Vous avez le pouvoir, nous avons l’espoir…

 

ici la pétition lancée par Lieu’topie:

https://www.change.org/p/suppression-des-contrats-aid%C3%A9s-c-est-la-fin-des-associations

 

Eloïse Lebourg

 

PS: je ne suis pas une adepte des CAE qui évidemment précarise notre société, et me souffle mon associé, les emplois tremplins régionaux étaient fort intéressants dans le fonctionnement. Pendant 3 ans, graduellement, la région prenait en charge les salaires pour au bout de la 3eme année laisser l’entreprise être autonome. 

 

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