Salah Hamouri  » Perdre sa liberté individuelle pour gagner la liberté de son pays »

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Ce lundi 18 septembre, nous apprenons que notre concitoyen, Salah Hamouri est officiellement en détention administrative en Israël, sans aucun chef d’accusation contre lui, incarcéré depuis le 22 août. Nous avons donc interviewé, Elsa, son épouse, résidant en France, avec leur enfant, afin qu’elle nous raconte le destin de Salah Hamouri. 

 

C’est une voix douce qui raconte l’injustice. Le contraste entre le calme d’Elsa et l’indignation que suscite le destin de Salah surprend.  » Bien sûr que je suis en colère, mais je dois rester sereine pour raconter l’histoire de Salah. » 

Salah est né en 1985, d’un père palestinien et d’une mère française, il grandit  à Jérusalem Est. Il a 15 ans quand éclate l’Intifada. Il participe aux manifestations, et est blessé d’une balle dans la jambe. «  Balle qu’il a toujours sur lui! » sourit Elsa. A 16 ans, il connaît sa première détention pendant 6 mois. On lui reproche des actions militantes comme la distribution de tracts. A 19 ans, il est arrêté une seconde fois. Puis en mars 2005. Là, il sera condamné à 7 ans de prison. Reconnu coupable d’avoir eu l’intention de tuer le rabbin d’extrême-droite Ovédia Youssef, et d’appartenir au Front Populaire de la Libération de la Palestine, organisation jugée terroriste par Israël.  » Il a été obligé de plaider coupable, car souvent en Israël, si les prisonniers politiques palestiniens plaident coupable, leur peine est divisée en deux. Il a préféré passer 7 ans en prison  plutôt que 14 ans, pour des crimes qu’il n’a pas commis. » répond Elsa. 

Le 18 décembre 2011, il fait partie des 1027 prisonniers politiques libérés contre la libération d’un soldat franco-israélien, 3 mois avant sa fin de peine. 

Il ne retrouve pas sa liberté pour autant. Alors qu’il reprend ses études de droit, il lui est interdit de se rendre à son université.  » Ce sont ses camarades qui amenaient les cours, les partiels. Il a bossé tout seul. » 

En 2016, son épouse, Elsa, alors enceinte de 6 mois est expulsée d’Israël, elle revient vivre en France, et élève depuis son bébé seule. 

Le 20 août 2017, Salah, resté en Israël, devient avocat, il fait son serment au barreau. 2 jours plus tard, il sera remis en détention. « Il est évident que ça les embête qu’il soit devenu avocat. En plus, il travaille pour une ONG qui défend les prisonniers politiques palestiniens. Et maintenant, il a plus de poids pour dénoncer les abus de la prison et même son procès.  » 

La détention administrative date du mandat britannique. A cette époque, cette forme d’arrestation permettait d’enfermer des opposants sans raison. Israël continue d’utiliser ce procédé. «  C’est l’équivalent de notre garde à vue, sauf qu’elle dure six mois, sans aucune charge! » soupire Elsa.  

Pour son épouse, cette nouvelle arrestation montre la graduation de l’acharnement. «  Ses arrestations, son enfermement, mon expulsion, c’est tenter de le faire craquer. Et pour l’instant, ça ne marche pas. Nous tenons bon. Ils n’ont pas compris que nous ne lâcherons jamais. Il est de Jérusalemen, et là-bas, ils aimeraient que Salah vienne s’installer en France, à mes côtés. Mais, il ne le faut pas. Car pour eux, un palestinien de moins en Palestine c’est déjà ça.  UNe véritable bataille démographique se joue en Palestine, et en particulier à Jérusalem. Et il les laisserait gagner s’il vient en France, alors qu’il est français. ( Du fait du statut de Jérusalem Est, Salah n’est que français, son appartenance palestinienne ne se traduit pas par un passeport.)  et que ce serait simple pour lui. Il faut rester, il ne doit pas céder, même si c’est difficile. Salah se bat pour la liberté de son pays, il en paye le prix fort, mais il en est ainsi, il doit se battre. On ne se rend pas compte en France du mot Liberté car nous n’en sommes pas privés. Mais, là-bas, il est plus important de s’engager et perdre sa liberté individuelle pour  gagner une liberté collective.  » 

Elsa n’est pas rassurante quant à la question sur le silence des médias concernant cette affaire.  » Si mon mari avait été journaliste, ça aurait peut-être été plus simple, comme Loup Bureau, libéré la semaine dernière des geôles turques, et qui a bénéficié du soutien de la France. Non, en fait, ça ne vient pas du métier ou du profil du prisonnier, mais bien du pays dans lequel il est emprisonné. Dès qu’il s’agit d’Israël, on fait face à une retenue des autorités françaises. Israël bénéficie d’une immunité médiatique et diplomatique. Nous n’avons eu aucun soutien du président. Le ministère des Affaires Etrangères ne demande pas sa libération, au contraire, il demande à ce que j’ai un droit de visite, ce qui signifie qu’il acte qu’il reste en prison.  » 

L’exemple de l’émission Un oeil sur la planète réalisée sur l’etat palestinien est flagrant. Les journalistes ont reçu des courriers du CRIF et toutes sortes de menaces. « Or, dénoncer la politique israélienne n’est pas être antisémite. Il faut arrêter avec ces amalgames. »  Les réseaux sociaux ont permis de relayer un peu mieux, en dehors des massmédia, l’arrestation de Salah Hamouri. Dans les manifestations, ou à la fête de l’Huma, l’affaire Hamouri a fait écho. 

Elsa, quant à elle, ne pourra joindre son mari pendant ses 6 mois de détention. » Je peux lui écrire mais lui ne peut envoyer de courrier à l’international. » Malgré tout, Elsa sait que salah tiendra le coup pendant cette période. «  Il faut savoir que 40 % des palestiniens sont passés par la case prison depuis 1967. Que ça peut donc arriver à tout le monde. Donc, les détenus ont transformé cette étape en quelque chose de positif : ils débattent, ils font du sport, ils lisent beaucoup, ils se donnent des cours. Il existe une vraie solidarité entre les prisonniers politiques. Même si les mauvais traitements existent par le manque de nourriture ou de soins médicaux, même si la prison est toujours une épreuve, puisqu’une privation de libertés. » 

Elsa n’a été que partiellement surprise par la nouvelle arrestation de son mari:  » Surprise car il est innocent, mais en Israël, ce genre d’arrestations arbitraires, arrivent toutes les nuits. Je sais que ça peut arriver.  Vous me demandez si j’ai peur qu’il se fasse tuer un jour, je pense que comme chaque mère, femme, sœur, j’ai mal à chaque fois qu’un Palestinien se fait tuer et je ne peux m’empêcher de penser que l’arbitraire peut toucher n’importe qui. On vit avec ça.Quand je l’ai rencontré, je savais qui il était. J’ai accepté cette vie car je suis en mesure de l’affronter. Mon mari a des convictions et c’est merveilleux, c’est noble de les défendre. » 

Dans un courrier qu’il a fait passer par ses avocats, Salah a écrit: «  Les prisons israéliennes ne seront jamais le lieu dans lequel nos convictions s’essouffleront. » Des mots de résistance, à souffler dans toutes les oreilles du monde entier. 

 

Eloïse Lebourg

A regarder  » l’affaire Hamouri » documentaire de Nadir Dendoune

 

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