Wissam, la Rumeur, et les autres

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Publié le 23 mars 2018

Mardi soir, au cinéma associatif Le Rio, invité par Les Amis du temps des cerises, les Amis de l’Huma et le Collectif Justice et Vérité pour Wissam, Ekoué, membre du mythique groupe de rap La Rumeur est venu présenter son film  » Les derniers parisiens » et réitérer son soutien à la famille de Wissam, jeune clermontois tué par la police, le 1er janvier 2012. Retour sur une soirée magnifique…

C’est l’histoire d’un mec qui sort de taule et qui veut se refaire, dans son quartier, Pigalle. Organiser des soirées dans le bar de son frère, se faire de la thune, et rire avec ses potes. Mais, on ne maîtrise pas tout dans un univers d’escroquerie et de faux-amis…En parallèle à cette histoire contemporaine d’une génération qui se perd à force de ne plus vouloir se trouver, un homme, chante des berceuses et histoires d’amour, vole un vélo pour s’acheter sa came, et offre de la poésie violente à ce film réalisé par une caméra du réel. Les séquences ont été tournées sans autorisation dans le quartier en vie de Pigalle. Le monde continue de tourner, comme si de rien n’était pendant que les deux compères de La Rumeur filment cette histoire sans fin d’un mec sans avenir…Pour nous qui bossons en prison, nous reconnaissons les destins condamnés à vie pour ces gosses nés trop mal…Alors, on retient ses larmes quand le grand frère l’annonce comme un verdict «  désormais, c’est à votre tour de boire la tasse… » on pense aux manifs qui se préparent, et aux gosses qu’on croise dans les missions locales, et dans les centres pénitentiaires…

Le film s’arrête, on se surprend à râler après ceux qui partent avant le début du débat…Ekoué est là, serein. Casquette vissée sur la tête et veste en cuir qu’il se décide à poser. Le débat se raconte par lui-même: des allusions à Truffaut et Godard, des gens émus qui remercient et Ekoué qui embraille à côté de Farid, le frère de Wissam, tué par la police le 1er janvier 2012. Il faut dire que La Rumeur s’y connait un peu en erreur judiciaire: le groupe a été poursuivi pendant huit ans par un certain Nicolas Sarkozy qui leur reprochait d’avoir des propos diffamatoires à l’égard de la police et notamment de son impunité. Huit ans, deux appels, deux pourvoi en cassation, puis le verdict: La Rumeur gagne contre le ministère de l’intérieur de l’époque…! 

 

Voici les trois passages incriminés écrits dans un livret accompagnant leur CD:

– « Les rapports du ministre de l’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété »
– « La justice pour les jeunes assassinés par la police disparaît sous le colosse slogan médiatique « Touche pas à mon pote » »
– « La réalité est que vivre aujourd’hui dans nos quartiers c’est avoir plus de chance de vivre des situations d’abandon économique, de fragilisation psychologique, de discrimination à l’embauche, de précarité du logement, d’humiliations policières régulières »

 

Comment ne pas faire résonner ces phrases dans l’histoire et le combat de la famille et les proches  de Wissam? Le débat se poursuit donc dans la voix de Farid, qui cherche d’abord ses mots, tant il a de choses à dire. Les aberrations de l’histoire de son frère sont tellement nombreuses qu’il n’arrive pas à ne pas les dire trop vite: l’autopsie de son frère démontre les marques de stangulation que tous vont nier, ainsi que ses multiples fractures que certains experts estiment être bien plus anciennes que son arrestation. Vivre avec de multiples fractures sans s’en rendre compte…on pourrait en rire si nous arrétions d’en pleurer…

L’affaire Wissam désormais tristement célèbre prouve une nouvelle fois l’impunité des policiers qui tuent, comme le montrent les images des caméras de surveillance du commissariat Pélissier, dans lequel Wissam vivra des actes de torture sous les yeux ébahis des jeunes gardés à vue. Sur les images, on voit les témoins regarder en direction du couloir où Wissam sera battu à mort. Des témoins que la justice, pour certains, n’a pas encore voulu entendre. ils sont pourtant une dizaine ce jour-là à voir le tabassage du jeune Wissam, du parking ou il sera arrêté au couloir du commissariat.  Wissam que l’on fera passer pour un délinquant, un drogué, à la santé fragile, afin d’expliquer sa mort, malgré les contre-contre-contre expertises qui prouvent le contraire. 

Délinquant, le mot fait rire, mardi soir: Alors que La Rumeur est là sous nos yeux, sorti plus fort d’un procès contre l’ancien ministre de l’intérieur et ex-président de la république. Alors que la mémoire de Wissam est salie par cette notion  » Délinquant », on se marre: ce même soir, Nicolas Sarkozy est en garde à vue. Comme quoi, parfois, il est des délinquants qui portent tellement bien leur nom…

 

Eloïse Lebourg

 

Pour connaître l’histoire de Wissam dans les détails et de façon chronologique, voici le lien: http://www.justicepourwissam.com/2017/11/chronologie-generale-de-l-affaire-wissam-el-yamni.html

 

 

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